Histoire On te demande souvent si tu te rappelles de tes parents, s'ils ne te manquent pas, si tu n'es pas malheureuse. En général, tu te contentes de sourire pour toute réponse, sourire pour ne pas pleurer, sourire pour ne pas repenser à ce jour qui t'a arraché ta famille. On te dit que tu es chanceuse, toi qui as survécu au carambolage sur l'autoroute, mais peut-on vraiment parler de chance quand du jour au lendemain, tu t'es retrouvée seule, sans repères, sans visages familiers ? Tu étais dans la voiture et tu as survécu, c'est vrai, mais une partie de toi est montée au ciel avec tes parents, une partie que tu ne retrouveras jamais et qui se fait ressentir par ce vide constamment présent dans ta poitrine.

Tu ne te rappelles même pas pourquoi vous étiez en Corée ce jour-là, vous qui viviez à Taïwan, là où ta mère avait rejoint ton père pour fonder leur foyer. Elle était japonaise, une femme magnifique et possédait un coeur pur. Lui était taïwanais, plus réservé mais solide comme un roc. Vous étiez probablement venus rendre visite à des amis, peut-être même déjà la famille Yim ? Un voyage banal, une visite qui aurait du être joyeuse mais qui a viré au cauchemar à cause d'un camion qui a pris feu sur l'autoroute et a provoqué le carambolage où ta famille a péri.

Le soir-même, la famille Yim t'a prise chez eux pour t'éviter les services sociaux, d'abord juste pour quelques nuits, en attendant qu'on te trouve de la famille prête à t'accueillir, à Taïwan ou au Japon, mais personne ne voulait de toi. Les jours sont devenus deux semaines, pendant lesquels tu t'es nouée d'amitié avec leur fils, Chunghee, et pendant lesquels les parents se sont pris d'affection pour toi. Jusqu'à devenir ta famille d'accueil en Corée du Sud, jusqu'à finalement t'adopter, quelques années plus tard. Tu as abandonné ton nom de famille pour prendre le leur, pas pour tirer un trait sur tes parents, mais pour te sentir à part entière une membre de cette nouvelle famille que vous formiez à quatre.

Ces nouveaux parents ont toujours tout fait pour t'intégrer à leur famille, pour que tu sois heureuse et ne manques de rien. Quand ils ont découvert ton talent pour le chant, ils t'ont inscrite à des cours après l'école. Ils t'ont payé des cours particulier pour rattraper ton retard en coréen et, plus tard, des cours avancés en chinois et japonais, quand tu leur as avoué ta peur de perdre tes origines. Tu avais des vêtements neufs et à ta taille, une chambre décorée avec goût, du matériel scolaire complet. Tu avais tout ce qu'il te fallait, et tu aurais eu la lune si tu leur avais demandé. Tu as été heureuse avec eux, malgré ce vide permanent dans ta poitrine, que jamais ils n'ont tenté de combler, conscients tous les deux que c'était impossible et que tu devais le conserver pour te rappeler.

À l'école, pour montrer ta gratitude envers les Yim, tu as toujours tâché d'être une bonne élève et de ne jamais te faire remarquer négativement. Tu étudiais beaucoup pour avoir une bonne moyenne, tu évitais les mauvaises fréquentations, tu n'allais aux soirées qu'en week-end et tu rentrais tôt. Tu as toujours fait en sorte de ne pas causer de soucis à tes parents adoptifs, et d'être un bon exemple pour ton petit frère, sur qui tu veillais constamment. Tu allais même aider à la pâtisserie familiale pendant les vacances, parfois au service, parfois en cuisine, et c'est là que tu as appris à faire les meilleures Charlottes de Séoul, sous la supervision de ton père.

Vers tes seize ans, tu as passé les castings pour intégrer une agence de divertissement à Séoul, où tu as été prise comme trainee. Après le lycée, tu as donc suivi des cours de chant plus poussés, des cours de danse, ainsi que des heures et des heures de management pour apprendre à devenir idole, à se comporter sur scène, en interview, en public, ce genre de choses. Pour peu, tu te serais crue dans un de ces cours qui vous apprend à devenir une parfaite aristocrate, ne manquait plus que la leçon sur les fourchettes à utiliser lors d'un dîner mondain et c'était bon !

Après deux ans, tu as intégré un premier groupe composé de quatre trainees de ton âge, nommé 4EVER. Ironique, puisque votre groupe n'a pas survécu longtemps et que vous avez disband en 2020, après 3 ans d'activité à peine. Tu y étais la main vocal, la visual et lead dancer, mais aussi - avouons-le - la préférée des fans. Après le disband, tes bandmates ont vite été oubliées, tandis que tu continuais de recevoir des messages de fans, ainsi que la perpétuelle question de savoir quand tu allais réintégrer un nouveau groupe. Il n'était pas secret que tu était aidée par la SC Agency pour trouver une nouvelle agence d'idoling et un nouveau groupe à intégrer. Il a fallu quelques semaines pour que tu intègres leur branche de divertissement, la SC Entertainment, où tu es redevenue trainee pendant trois ans. Trois ans pendant lesquels tu t'es perfectionnée et as attendu qu'on t'associe à d'autres filles pour former un nouveau groupe.

Depuis quelques mois, on t'a assigné un nouveau groupe, les TiGirls, avec six autres trainees. Vous avez passé plusieurs mois à vous entrainer ensemble, à apprendre à vous connaître et à préparer vos débuts. Et enfin, la date fatidique arriva. Le 16 mai 2023, les TiGirls sont entrées en scène avec leur premier single, Not A Fantasy. Un carton plein, grâce à votre concept basé autour d'une légende coréenne, mais également grâce à la communauté de fans que tu as ramené avec toi, ces gens qui te sont restés fidèles et ont été présents quand tu as foulé à nouveau la scène. Et le fait que tu aies pris un nom de scène pour ce nouveau groupe n'a rien changé en l'admiration qu'ils te portent, même si tu vois plus souvent dans la foule des banderoles au nom d'Etchan qu'au nom d'Alina, l'héroïne de romans dont tu as emprunté le nom.