Histoire Tu es le dernier enfant de tes parents, troisième fils, arrivé après deux fils qui étaient souhaités, programmés, attendus. Toi, tu étais l'accident de parcours, l'enfant arrivé par surprise, accident de la nature, comme le disait souvent ton grand frère. Pour rire, certes, mais pas si loin de la vérité. Né dix ans après le second fils Moon, tu as clairement senti pendant toute ton enfance que ta présence gênait. Ta mère te reprochait de devoir se replonger dans les couches alors qu'elle "en avait fini avec ça". Râlait de devoir te conduire à l'école alors que tes frères étaient déjà au collège ou au lycée. S'agaçait quand il fallait t'aider pour tes devoirs, tellement simples à côté de ceux de tes aînés. Tu avais deux trains de retard sur tes grands frères, mais en quoi était-ce ta faute si tu étais né plus tard ?

Alors que tes frères, à ton âge, avaient pu s'inscrire à tes activités extrascolaires comme le football, le violon ou le piano, tes parents ont toujours refusé de t'inscrire aux cours de danse dont tu rêvais tant. Ils n'avaient pas le temps de t'y conduire, pas l'argent pour payer ces cours en plus de ceux de tes frères. Pas l'envie, tout simplement, mais ils n'étaient même pas assez honnêtes pour avouer que ton bien-être n'était pas leur priorité.

Ce n'est que vers tes huit ou neuf ans, alors que tu t'entraînais à la danse seul depuis déjà quelques années, que tu as pu recevoir un peu d'aide. Celle d'une institutrice de ton école qui t'a vu danser en cachette après les cours, en attendant que ta mère daigne venir te rechercher. Elle a vu en toi du talent et a proposé à tes parents de s'occuper de tes cours : elle les paierait, t'y conduirait après l'école et te ramènerait à la maison juste après. Elle n'habitait qu'à quelques rues de chez toi, ça ne la dérangeait pas tellement dans son quotidien, et tes parents ont fini par céder. Au final, ça leur faisait quelques heures de plus sans te voir, et gratuitement, donc pourquoi refuser ?

Tu étais heureux de pouvoir participer enfin à ces cours, mais malheureusement tout ne fut pas aussi rose que ce que tu avais imaginé. En apprenant seul à danser, tu avais pris de mauvaises habitudes qu'il a fallu corriger, des postures, des mouvements, des techniques à revoir. Le professeur de danse était strict, ne laissait rien passer, et il te gardait souvent après les cours pour t'aider à t'améliorer, te perfectionner. Ce qui te plaisait, car tu devenais meilleur de jour en jour, mais tes notes à l'école s'en ressentirent et, arrivé au collège où le niveau était bien différent des années primaires, tes parents décidèrent d'intervenir.

Puisque la danse te distrayait tellement de l'école, tu n'irais plus, tout simplement. De toute façon, tu n'étais plus dans l'école où travaillait l'institutrice qui te conduisait aux cours, l'organisation devenait compliquée, donc c'était mieux ainsi, point final. Tes parents pensaient que, en te privant de cette distraction, tu te concentrerais un peu plus sur tes cours mais, en faisant cela, ils te privèrent de ta seule source de joie dans la vie. Et la chute commença.

Au début, ce fut simplement une tristesse inexplicable, cette envie de simplement t'allonger dans ton lit en rentrant du collège et d'y rester à jamais. Puis ce fut l'appétit qui commença à flancher, ton poids à baisser. Et ce n'était pas si mal, tu avais toujours été un peu rond, donc perdre quelques kilos te ferait du bien, non ? Et pourquoi pas quelques uns de plus ? Et encore quelques uns ? On voyait tes côtes à présent, mais... ton ventre ressortait encore un peu, non ? Peut-être que tu pourrais perdre encore deux ou trois kilos, pour être encore plus mince, pour ne plus être aussi gros.

Personne ne se souciait de ton état, personne ne semblait même le remarquer, hormis un garçon de ton lycée, un certain Lee Sujin. Il fut le seul à venir vers toi, à te demander pourquoi tu perdais tant de poids, si tu étais malade ou si tu suivais un régime. Tu ne lui as jamais dit la vérité vraie, mais il a probablement fini par comprendre, et il ne t'a jamais jugé. Il est devenu ton ami, sans que tu comprennes pourquoi, et vous avez appris à vous connaitre. Vous partagiez notamment un rêve commun, celui de la danse et du chant, mais tu n'avais pas son ambition et son courage. Là où lui rêvait de devenir idole de KPOP, toi tu espérais seulement tenir jusqu'aux prochaines vacances, sans espoir de jamais faire de ta passion un métier.

Mais quand Sujin a été repéré par une agence de divertissement pour devenir trainee chez eux, il a fait en sorte de te convaincre de le rejoindre, en te parlant des cours qu'il suivait, en te montrant ses progrès, ses photos avec les idoles qu'il rencontrait. Contre l'avis de tes parents, tu as passé des auditions et... tu as été pris. Sur le fil, certes, car le jury a débattu longtemps sur ton sort, certains ne te trouvant pas assez talentueux, d'autres voyant en toi du potentiel, et on t'a laissé une chance. Chance que tu t'es empressé de saisir sans y réfléchir à deux fois, sans demander l'avis de tes parents. Tu avais atteint un âge où ils ne s'inquiétaient pas de ne pas te voir rentrer le soir après les cours, ils en étaient même bien contents à vrai dire, et te reprochaient presque ta présence quand tu étais à la maison pour dîner avec eux.

Tes années comme trainee ne furent pas de tout repos. Tu travaillas très dur pour atteindre le niveau demandé par les membres de l'agence, notamment sur ton rap et ton chant. La danse, tu gérais, même si tu étais toujours heureux de prendre des cours pour apprendre de nouveaux styles, de nouvelles techniques et des chorégraphies. Après trois années de ce régime, tu fus pressenti pour former le groupe SK:S avec Sujin et trois autres membres, dans lequel tu occuperais les rôles de main dancer, sub-rapper et sub-vocal. Mais si les autres étaient certains de débuter, on te faisait bien comprendre que ta place était en danger, et tu devais sans cesse prouver que tu en étais capable, que tu méritais d'intégrer le groupe avec eux. Encore la veille de vos débuts, votre manager t'a pris à part, te faisant comprendre qu'il n'était pas certain de te garder dans le groupe.

Heureusement, le jour J arrivé, tu as pu débuter avec les autres, avec l'ultimatum que, si tu n'attirais pas autant de fans que les autres, tu ne participerais pas au reste des activités des SK:S. Toi, l'introverti, as donc dû faire ta pub auprès des fans pour devenir populaire, pour plaire, pour sauver ta place. Et tout ce stress, évidemment, n'a fait qu'accentuer le peu de confiance que tu accordes à ta propre personne. Au fil des années, c'est devenu cyclique : à chaque comeback, le stress te poussait à perdre du poids, à devenir plus beau, plus doué, meilleur en chant. Tu parvenais à te reposer un peu pendant les périodes hors activités, à reprendre un peu de poids, mais tu reperdais tout au comeback suivant. Et, depuis le changement de CEO à l'agence, c'est encore pire : celui-ci te fait bien comprendre que tu n'es pas à la hauteur, que tu risques de sauter à la moindre erreur, à la moindre défaillance. Donc tu perds du poids, tu bosses vingt heures sur vingt-quatre, et la fatigue menace de te faire t'effondrer. Ton seul espoir : le changement d'agence qui est prévu pour le groupe. Même si, honnêtement, tu n'arrives pas à croire que ça sera vraiment mieux quand vous serez à la SC Ent. Après tout, peut-être que là aussi on te verra comme la pièce remplaçable du groupe et qu'on te renverra à peine le contrat signé ?..